Vézelay (Yonne)
Basilique Sainte-Marie-Madeleine.
La tour Saint-Michel, haute de 38 mètres, construite au XIVe siècle.
La foudre qui s'abat sur la tour Saint-Michel le 22 octobre 1819, sera à l'origine d'un incendie.
Au début du IXe siècle, alors que le comte de Paris Girard de Roussillon* obtenait du roi Louis le Pieux un domaine au pied de la colline de Vézelay, un oratoire consacré à saint Jean-Baptiste, construit sur l'emplacement d'un ancien sanctuaire païen, existait déjà.
Vers 859, Girard et sa femme Berthe fondent deux monastères, l'un de moines à Pothières (au nord de
Châtillon-sur-Seine), et l'autre, de moniales, sur son domaine de Vézelay, à l'emplacement actuel de Saint-Père, au bord de la Cure. Une bulle pontificale place les domaines de ces deux monastères sous la protection du Pape, privilèges confirmés, dans une charte de janvier 868, par le successeur de Louis le Pieux, Charles le Chauve.
Vers 873, les moniales de Vézelay sont remplacées par des moines bénédictins de Saint-Martin d'Autun.
Dans la seconde moitié du IXe siècle, les reliques de sainte Marie-Madeleine sont apportées à l'église de Vézelay, ce qui y fit accourir un grand nombre de pèlerins. Les aumônes qu'ils y laissèrent , les donations fréquentes, enrichirent l'abbaye ; mais elles excitèrent la convoitise de ses voisins.
En 887, pour mieux protéger les reliques de sainte Marie-Madeleine** des attaques normandes, l'abbaye est transférée sur la hauteur. L'abbaye se développa sur la colline, autour d'une église de plan basilical.
En 907, l'église carolingienne est détruite dans un incendie. Elle est restaurée un siècle plus tard par l'abbé de Saint-Bénigne de Dijon, Guillaume de Volpiano***.
En 1050, l'abbé Geoffroy obtient du pape Léon IX l'authenticité des reliques, ce qui entraîne un afflux encore plus important de pèlerins. L'accumulation de richesses par le commerce, les foires et le développement du vignoble, va permettre d'ambitieux projets de reconstruction de l'abbaye.
Vers 1093 ou 1096, l'abbé Artaud fait édifier un chœur avec déambulatoire greffé sur la nef, pour permettre aux nombreux pèlerins de circuler autour de la crypte abritant les reliques. Les travaux seront achevés en 1104.
La richesse de l'abbaye suscitait bien des convoitises et jalousies. Celles des habitants du bourg, qui pourtant profitaient aussi de la manne des pèlerinages, mais devaient soumission et argent à l'abbaye. Celles des comte de Nevers et des évêques jaloux de l'indépendance de l'abbaye et du pouvoir temporel des abbés.
En 1098, l'évêque d'Autun jeta l'interdit sur les pèlerinages, interdit qui fut levé quelques années plus tard par le pape Pascal II, mais l'abbé Renaud de Semur**** devra, plus tard, reconnaître l'autorité spirituelle de Cluny
En 1104, l'abbé Artaud procède à la dédicace du chœur roman. Ce même Artaud sera assassiné deux ans plus tard par des villageois révoltés. On ne connaît pas les détails, mais une lettre, en date du 25 octobre 1106, du pape Pascal II aux évêques de France, leur demande de "chasser de leurs diocèses respectifs les meurtriers d'Artaud, abbé de Vézelay. L'exil et, en cas de résistance à la sommation épiscopale , l'excommunication, doivent être le châtiment d'hommes assez pervers pour avoir tué leur seigneur, prêtre et abbé. Etrangement, les évêques auxquels cette lettre est adressée sont accusés de protéger et de recueillir dans leurs diocèses les auteurs de ce meurtre. L'envie des diocèses voisins devant la grande richesse de l'abbaye explique certainement cette protection. Presque à la même époque fut assassiné, dans une révolte villageoise, l'évêque de Laon.
Le 22 juillet 1120, un incendie détruisit ce qui restait de la nef carolingienne. La construction d'une nouvelle nef, la nef actuelle, se termina vers 1140, sous l'abbé Ponce de Montboissier. L'ensemble était alors entièrement de style roman et le resta jusqu'à ce que le chœur fut remplacé par un chœur gothique, sous l'abbé Girard d'Arcy, vers 1185-1190. Ce dernier chœur demeure aujourd'hui.
En 1136-1137, sous l'abbé Albéric, par une transaction entre l'abbé et les habitants du bourg coalisés avec les paysans de l'abbaye, les bourgeois ne furent plus astreints à l'obligation de gîte des pèlerins qu'à l'une des deux fêtes de Pâques ou de Marie-Madeleine. Ils obtinrent également des diminutions de charges. Ils demandèrent également à pouvoir payer en nature, et non plus en argent, le cens sur les vignes. Ils obtinrent également certains droits civils, par exemple, les filles des bourgeois de Vézelay ne furent plus obligées, lorsqu'elles se
mariaient, de payer une certaine somme au doyen ou au prévôt...
De nouvelles révoltes, soutenues par les comtes de Nevers, se reproduisirent en 1147, 1149, 1152. Lors de cette dernière révolte, l'abbaye fut pillée, ce qui entraîna l'excommunication de l'ensemble de la population en 1161.
Au XIIe siècle, l'abbaye était devenue un centre de pèlerinage et une étape majeure sur le chemin de Compostelle depuis les pays du Nord de l'Europe. A Pâques 1146, Bernard de Clairvaux prêcha la deuxième croisade depuis la colline de Vézelay. En 1190, Philippe Auguste et Richard Cœur de Lion partent de Vézelay pour la troisième croisade.
En 1217, fut fondée la Cordelle, première communauté de franciscains (La chapelle est du XIIe).
En 1244, 1248, 1267 et 1270, Saint-Louis fit le pèlerinage de Vézelay.
A partir de 1260, les moines de Saint-Maximin (Provence) mettent en doute l'authenticité des reliques de Vézelay, ce qui entraîne un déclin des pèlerinages, malgré le soutien de Saint-Louis qui authentifiera ces reliques en 1267.
Malgré les protections des successeurs de Saint-Louis, Philippe le Hardi et Philippe le Bel, une bulle papale de 1295 confirme l'authenticité des reliques de Marie-Madeleine de Saint-Maximin et non de Vézelay. Les pèlerins s'orientent dorénavant vers la Provence. C'est le déclin de l'abbaye de Vézelay.
Le pape Paul III, finira par accorder la sécularisation de l'abbaye en 1537, sécularisation d'ailleurs demandée par les moines eux-mêmes. Des chanoines remplaceront les moines.
En 1519, le futur réformateur protestant Théodore de Bèze naît à Vézelay. En 1555, la ville est ouverte aux huguenots. Pendant les guerre de Religion, l'abbaye est pillée.
En 1760, après une longue période d'abandon de l'abbaye, une partie des bâtiments est détruite et le reste vendu. 20 ans plus tard, le collège de chanoines est supprimé. L'église abbatiale, puis collégiale, devient une église paroissiale. Ce qui reste des bâtiments conventuels est détruit ou vendu.
Au XIXe siècle, le jeune architecte Viollet-le-Duc, est chargé de grands travaux de restauration commandé par l'écrivain Prosper Mérimée alors inspecteur des Monuments historiques. L'église est dans un état alarmant : «Les murs sont déjetés, fendus, pourris par l'humidité. On a peine à comprendre que la voûte toute crevassée subsiste encore. Lorsque je dessinais dans l'église, j'entendais à chaque instant des petites pierres se détacher et tomber autour de moi. La toiture est dans un état pitoyable ; enfin, il n'est aucune partie de ce monument qui n'ait besoin de réparations.» (Prosper Mérimée - Notes de voyages , 1835). La restauration complète, y compris les sculptures sera terminée en 1859.
Le don de nouvelles reliques de Marie-Madeleine en 1870-1876, relance les pèlerinages et l'église est érigée en basilique par le Vatican en 1920.
Après1945, diverses communautés monastiques (bénédictins, franciscains, fraternités monastiques de Jérusalem) s'installent de nouveau à Vézelay.
L'Unesco inscrit la basilique en 1979.
* Girard de Roussillon, héros d'une chanson de geste provençale, fut comte de Roussillon (Girard possède le canton de Lassois, près de Châtillon-sur-Seine, une chapelle et son château sont bâtis sur les flancs du mont Roussillon) et duc de Bourgogne. Il reçut le comté de Paris de Louis le Débonnaire ou Louis le Pieux (fils de Charlemagne et de Hildegarde de Vintzgau). Il fera plusieurs expéditions contre les Sarrasins qui s'étaient établis dans le delta du Rhône. Girard (Girart) de Vienne, de Roussillon, etc, était régent du comte de Provence, et son épouse Berthe, fille du comte de paris. Issus de la haute aristocratie franque et proches du pouvoir royal, ces deux personnages possédaient d’immenses domaines notamment en Bourgogne.
** Ces reliques auraient été, soit ramenées d'Arles par Girard de Roussillon, soit dérobée à Saint-Maximin, en Provence, par un moine nommé Badilon.
*** Abbé réformateur de nombreux monastères, Guillaume de Volpiano ou Guillaume de Dijon ou encore Guillaume de Cluny , fera de ces monastères des puits d'érudition et des asiles de sainteté. Guillaume de Volpiano tint les rênes de quarante maisons bénédictines et assura la direction de douze cents moines.
*** ll s'agit bien de Semur-en-Brionnais (Saône-et-Loire) et non de Saumur comme on l'écrit parfois. Renaud de Semur est élu en 1106 abbé de Vézelay. Il sera nommé archevêque de Lyon en 1128. Il rédigera une "vie" de son oncle saint Hugues de Cluny.
Recherches sur l'insurrection communale de Vézelay au XIIe siècle - Léon de Bastard d'Estang. In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1851, tome 12.